Les images du terrible incendie de Notre Dame
de Paris n’ont pas été sans remémorer aux Courchevellois, les heures sombres du
20 Janvier dernier où notre station vivait un drame, certes moindre
matériellement et patrimonialement, mais bien plus conséquent sur le plan
humain puisqu’on a déploré 2 personnes décédées et 21 blessés dont plusieurs gravement.
Alain Corci, le papa d’Ambre, l’une des victimes
blessées, tente depuis ce drame de cerner la vérité et de découvrir les
responsabilités. Il nous a transmis ce témoignage, il y a quelques jours, alors
qu’il sortait du Tribunal de Chambéry, où les Parties Civiles avaient été
reçues par la justice en charge de l’enquête.
« Dans
la vie on dit souvent que ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort,
c’est
sans doute au travers des épreuves que nous traversons dans la vie que nous
pouvons forger nos caractères, car pour ma part il y a un avant et un après le
20 janvier 2019.
Je
suis le papa d’une jeune fille de 25 ans qui fait partie des victimes qui fut
le plus gravement blessée dans l’incendie de l’immeuble ISBA CATINA à
Courchevel 1850.
Cette
nuit du 20 janvier restera gravée dans la mémoire de beaucoup de gens et plus
encore celle de ma fille et de sa famille. Elle était venue à Courchevel, comme
beaucoup de saisonniers, pour travailler et pouvoir gagner son salaire
dignement, afin d’être indépendante, comme beaucoup de jeunes de cet âge, l’esprit
plein de rêves et les yeux remplis des paillettes que la station offre à tous
ceux qui la côtoient, connue mondialement et fréquentée par toute la jet
set et quelques têtes couronnées.
Ce
rêve s’est arrêté pour certains d’entre eux le 20 janvier
2019.
Ce
matin là vers 4.15 H du matin un incendie se déclare dans l’immeuble
ISBA appartenant à Mr. Éric Tournier et qui héberge une
soixantaine de saisonniers travaillant pour le groupe Tournier dans ses
différents établissements de la station.
Plus
de la moitié d’entre eux étaient en plein sommeil quand le feu a été déclenché.
La plupart ont été réveillés par les cris et la fumée qui arrivait dans leur
chambre et là c’est déjà trop tard.
Les
flammes ont très vite envahi les couloirs et le feu se propage à grande
vitesse, ma fille Ambre, qui loge au troisième étage a une chambre qui donne
coté impasse sur l’arrière, ce qui pour elle fait une hauteur de presque 5
étages car l’immeuble est en contre bas et la partie arrière est plus élevée du
sol. Se retrouvant bloquée dans sa chambre et ne pouvant plus passer par le
couloir rempli de flammes, elle se met sur le rebord de sa fenêtre et crie en
demandant de l’aide et les pompiers : le temps à ce moment là semble être
une éternité.
En
bas des personnes lui crient d’attendre, que les secours vont
arriver.
Au
bout de plusieurs minutes les flammes commencent à rentrer dans sa chambre par
le rebord de sa fenêtre. Elle a avalé de grosses quantités de fumée venant des
fenêtres du dessous, elle n’en peut plus, les flammes commencent à envahir sa
chambre. Voyant que les secours ne sont toujours pas là et à la vue de la
situation présente, les gens en bas lui disent de sauter : elle s’arme de
courage et en se laissant glisser elle tombe de 15 mètres sur le goudron.
Le choc est violent tous les témoins présents diront qu’ils ont tourné la tête
et que le bruit de l’impact au sol restera gravé à jamais dans leur
mémoire.
Cette
nuit fut un véritable cauchemar pour beaucoup de personnes car après plusieurs
heures seulement, le brasier fut maitrisé, bilan 2 morts et 21 blessés dont 4
graves.
Ma
fille, la plus gravement blessée, a eu une fracture du thorax, une cheville
brisée, les poumons gravement atteints par les particules de fumées toxiques et
deux vertèbres brisées dont pour une, un morceau s’est logé dans la moelle
épinière et fait sortir la dure-mère de sa racine, des nerfs ont été sectionnés
et elle a subi un énorme traumatisme psychologique.
A
ce moment là je l’ignorais mais nos vies allaient basculer.
Au
sol elle fut déplacée et mise à l’abri sous un porche pour éviter les débris en
feu qui tombaient de l’immeuble. Elle fut prise en charge par un homme qui ne
la laissera pas seule et prendra bien soin d’elle jusqu'à ce que les
secours et un médecin la rapatrie à la Croisette avec d’autre victimes,
Il
ne faudra que quelques minutes pour se rendre compte de la gravité de son état,
et ainsi que trois autres personnes, elles seront héliportées chacune dans des
hôpitaux différents.
Quand
Ambre arrive à l’hôpital de Chambéry, les médecins se rendirent compte que son
état nécessitait une intervention qui ne pouvait se faire que sur
Grenoble. De nouveau héliportée sur l’hôpital de Grenoble, elle y subira
une intervention de près de 5 heures.
Prévenus
seulement à 9H30 du matin et habitant dans le Gard, ma femme et moi nous sommes
rendus à Grenoble et nous avons pu la voir juste avant quelle n’entre au bloc.
Ses quelques mots m’ont permis de comprendre le cauchemar qu’elle avait vécu.
Après
leur intervention, les chirurgiens nous ont informés de son état de santé. A ce
stade ils ne pouvaient se prononcer sur son avenir, bien que son pronostic
vital ne fût plus engagé, ils ne pouvaient affirmer qu’elle puisse de nouveau
marcher.
Pour
nous parents ce fut un choc et pour moi une seule chose comptait :
comprendre ce qui c’était passé et qui était responsable de tout ce
drame.
Je
laissai donc la santé de ma fille dans les mains des médecins, sous l’œil
attentif de mon épouse, pour me lancer dans une enquête, qu’à ce moment là je
n’aurais jamais imaginé jusqu’où elle me mènerait.
Comme
dans le film Jackpot, « Ce qui ce passe à Courchevel reste à Courchevel » :
ces quelques mots prirent très vite un sens réel, même si parfois, comme à Las
Vegas, la réalité dépasse la fiction et ici c’est tout à fait ça.
Après
presque trois mois d’enquête j’ai pu reconstituer tout le
déroulement de la soirée, minute après minute.
J’ai
rencontré des dizaines de témoins et j’ai pu mettre un visage sur chacun des
responsables que je pense directement et indirectement liés à cet
incendie.
Je
peux aussi expliquer les causes à effet, mais en attendant, 22 gendarmes
sous la responsabilité d’un procureur M. Dran et d’une juge
d’instruction Mme Bouye sont chargés du dossier.
Dès
le 20 janvier 2019 tous les services concernées se mirent au travail, à tour de
rôle, et durant ces dernières semaines se sont succédés gendarmes, brigade
scientifique, brigade canine pour la recherche de produit accélérant, audition
de témoins, décryptage de bandes vidéo, bref je pense que tout ce qui est dans
ces cas là mis en œuvre a été fait.
L’enquête
devrait durer au minimum 18 mois nous a-t-il été précisé à Chambéry.
Mais
que sait-on vraiment ? Une question qui mérite une réponse
en son temps car pour le moment je ne voudrais pas interférer dans l’enquête et
je vais donc m’en tenir à ce que le parquet a communiqué.
Le
10 avril les Parties Civiles sont invitées au palais de justice de
Chambéry et reçues par Mme la juge d’instruction et Mr le procureur, afin
d’expliquer l’avancée de l’enquête et voilà ce qui est officiel a ce jour :
L’incendie
est d’origine criminel, un suspect a été interpelé : Hichem
Abdelarouf, âgé de 22 ans, originaire de La Grande Motte (Hérault), cet algérien, en situation régulière, a
un long palmarès, multirécidiviste, connu des services de police pour trafic
de stupéfiants, agression, et défaut de permis a été interpelé à la
frontière franco espagnole au Boulou le 10 mars par la PAF alors qu’il
tentait de passer, muni de faux papier. Interpelé tout d’abord pour
exécuter une peine de 8 mois de prison à Perpignan puis ayant fait l’objet d’un
mandat de recherche pour être entendu dans l’enquête de l’incendie de
Courchevel, les gendarmes chargés de l’enquête auprès de Chambéry se sont
rendus à Perpignan pour le placer en garde à vue le 26 mars pour « destruction
par incendie ayant entrainé la mort ».
Au
terme des 48 heures de garde à vue, il fut reconduit en détention à Perpignan,
transféré à Chambéry le 29 mars, pour être présenté le 30 et être mis en examen
par le juge d’instruction Mme Bouye. « C’est la jalousie qui
serait à l’origine de l’acte qui aurait motivé ce criminel et il aurait mis le
feu devant la porte de la chambre de son ex copine : voilà où en est
actuellement l’enquête en attendant les investigations qui continuent ».
Mais
pour ma part je m’interroge !
Le
principal responsable, qui a allumé le feu, certes c’est bien Hichem Abdelarouf :
si sa motivation était d’ordre sentimentale pourquoi aurait il allumé deux
départs de feu au deuxième étage à des endroits bien précis et distants l’un de
l’autre ?
Cette
nuit là s’il a été vu par les cameras vidéo à deux reprises et à des moments
différents, entrant et sortant de la ruelle derrière l’immeuble : il
connaissait très bien les horaires de son ex compagne et lorsqu’il a mis le feu
il savait très bien qu’elle était sur son lieu de travail. S’il avait voulu lui
faire du mal, il aurait très bien pu le faire quelques jours auparavant
lorsqu’il était seul avec elle : cela a été confirmé par des témoins.
Il
y a bien d’autres incohérences dont je vous donnerai plus tard les vraies
explications.
En
attendant, revenons à l’immeuble, il semble donc que des individus totalement
étrangers pouvaient pénétrer à l’intérieur, sans être inquiétés, une porte
d’entrée munie d’un digicode qui n’a jamais fonctionné et ce semble-t-il,
depuis de nombreuse années. Je ne vais pas parler aujourd’hui des normes de
sécurité et de l’état d’insalubrité dans lequel celui ci se trouvait mais juste
une interrogation, la municipalité était semble-t-il au courant de cet état,
ayant reçu l’année dernière sur son bureau des plaintes d’anciens saisonniers
qui avaient été envoyées à l’Inspection de l’Hygiène et du Travail : pourquoi n’ont ils rien dit ?
L’incendie
a eu lieu le 20 janvier et le 22 la municipalité vend le trottoir devant l’immeuble
à Mr Tournier pour la moitié de sa valeur. Pourquoi ?
Pourquoi
un permis de construire pour le complexe hôtelier de luxe qui viendrait
remplacer tout le bloc d’immeuble dont l’Isba, déposé il y a plus de deux
ans, portant le nom « LE SAINT SAUVEUR » a, d’un seul coup,
le 7 mars soit 17 jours après l’incendie, été validé ?
Il
y a encore bien des questions à se poser, mais ce qui est sûr c’est que je
ferai tout pour faire éclater la vérité sur ce drame et je dénoncerai tous les
responsables directement ou indirectement liés à cette affaire ainsi que les
causes et les effets : je le dois avant tout à ma fille, pour que justice
soit rendue et que, pour une fois, elle soit équitable. Je dois aussi cette
vérité à toutes les autres victimes, afin que cela ne se reproduise plus. »
ALAIN
CORCI