mardi 16 avril 2019

Retour sur l’incendie de Courchevel



Les images du terrible incendie de Notre Dame de Paris n’ont pas été sans remémorer aux Courchevellois, les heures sombres du 20 Janvier dernier où notre station vivait un drame, certes moindre matériellement et patrimonialement, mais bien plus conséquent sur le plan humain puisqu’on a déploré 2 personnes décédées et  21 blessés dont plusieurs gravement.
Alain Corci, le papa d’Ambre, l’une des victimes blessées, tente depuis ce drame de cerner la vérité et de découvrir les responsabilités. Il nous a transmis ce témoignage, il y a quelques jours, alors qu’il sortait du Tribunal de Chambéry, où les Parties Civiles avaient été reçues par la justice en charge de l’enquête.

« Dans la vie on dit souvent que ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort,
c’est sans doute au travers des épreuves que nous traversons dans la vie que nous pouvons forger nos caractères, car pour ma part il y a un avant et un après le 20 janvier 2019. 
Je suis le papa d’une jeune fille de 25 ans qui fait partie des victimes qui fut le plus gravement blessée dans l’incendie de l’immeuble ISBA CATINA à Courchevel 1850. 
Cette nuit du 20 janvier restera gravée dans la mémoire de beaucoup de gens et plus encore celle de ma fille et de sa famille. Elle était venue à Courchevel, comme beaucoup de saisonniers, pour travailler et pouvoir gagner son salaire dignement, afin d’être indépendante, comme beaucoup de jeunes de cet âge, l’esprit plein de rêves et les yeux remplis des paillettes que la station offre à tous ceux qui la côtoient, connue mondialement et fréquentée par toute la jet set et quelques têtes couronnées.
Ce rêve s’est arrêté pour certains d’entre eux le 20 janvier 2019.                           
Ce matin là vers 4.15 H du matin un incendie se déclare dans l’immeuble ISBA  appartenant à Mr. Éric Tournier et qui héberge  une soixantaine de saisonniers travaillant pour le groupe Tournier dans ses différents établissements de la station. 
Plus de la moitié d’entre eux étaient en plein sommeil quand le feu a été déclenché. La plupart ont été réveillés par les cris et la fumée qui arrivait dans leur chambre et là c’est déjà trop tard. 
Les flammes ont très vite envahi les couloirs et le feu se propage à grande vitesse, ma fille Ambre, qui loge au troisième étage a une chambre qui donne coté impasse sur l’arrière, ce qui pour elle fait une hauteur de presque 5 étages car l’immeuble est en contre bas et la partie arrière est plus élevée du sol. Se retrouvant bloquée dans sa chambre et ne pouvant plus passer par le couloir rempli de flammes, elle se met sur le rebord de sa fenêtre et crie en demandant de l’aide et les pompiers : le temps à ce moment là semble être une éternité.
 En bas  des personnes lui crient d’attendre, que les secours vont arriver.
Au bout de plusieurs minutes les flammes commencent à rentrer dans sa chambre par le rebord de sa fenêtre. Elle a avalé de grosses quantités de fumée venant des fenêtres du dessous, elle n’en peut plus, les flammes commencent à envahir sa chambre. Voyant que les secours ne sont toujours pas là et à la vue de la situation présente, les gens en bas lui disent de sauter : elle s’arme de courage et en se laissant glisser elle tombe de 15 mètres sur le goudron. Le choc est violent tous les témoins présents diront qu’ils ont tourné la tête et que le bruit de l’impact au sol restera gravé à jamais dans leur mémoire. 
Cette nuit fut un véritable cauchemar pour beaucoup de personnes car après plusieurs heures seulement, le brasier fut maitrisé, bilan 2 morts et 21 blessés dont 4 graves.  
Ma fille, la plus gravement blessée, a eu une fracture du thorax, une cheville brisée, les poumons gravement atteints par les particules de fumées toxiques et deux vertèbres brisées dont pour une, un morceau s’est logé dans la moelle épinière et fait sortir la dure-mère de sa racine, des nerfs ont été sectionnés et elle a subi un énorme traumatisme psychologique. 
A ce moment là je l’ignorais mais nos vies allaient basculer.
Au sol elle fut déplacée et mise à l’abri sous un porche pour éviter les débris en feu qui tombaient de l’immeuble. Elle fut prise en charge par un homme qui ne la  laissera pas seule et prendra bien soin d’elle jusqu'à ce que les secours et un médecin la rapatrie à la Croisette avec d’autre victimes,
Il ne faudra que quelques minutes pour se rendre compte de la gravité de son état, et ainsi que trois autres personnes, elles seront héliportées chacune dans des hôpitaux différents.
Quand Ambre arrive à l’hôpital de Chambéry, les médecins se rendirent compte que son état nécessitait  une intervention qui ne pouvait se faire que sur Grenoble. De nouveau héliportée sur l’hôpital de Grenoble, elle y subira une intervention de près de 5 heures.
Prévenus seulement à 9H30 du matin et habitant dans le Gard, ma femme et moi nous sommes rendus à Grenoble et nous avons pu la voir juste avant quelle n’entre au bloc. Ses quelques mots m’ont permis de comprendre le cauchemar qu’elle avait vécu.
Après leur intervention, les chirurgiens nous ont informés de son état de santé. A ce stade ils ne pouvaient se prononcer sur son avenir, bien que son pronostic vital ne fût plus engagé, ils ne pouvaient affirmer qu’elle puisse de nouveau marcher. 
Pour nous parents ce fut un choc et pour moi une seule chose comptait : comprendre ce qui c’était passé et qui était responsable de tout ce drame. 
Je laissai donc la santé de ma fille dans les mains des médecins, sous l’œil attentif de mon épouse, pour me lancer dans une enquête, qu’à ce moment là je n’aurais jamais imaginé jusqu’où elle me mènerait.  
Comme dans le film Jackpot, « Ce qui ce passe à Courchevel reste à Courchevel » : ces quelques mots prirent très vite un sens réel, même si parfois, comme à Las Vegas, la réalité dépasse la fiction et ici c’est tout à fait ça.
Après presque trois mois d’enquête  j’ai pu reconstituer tout le déroulement de la soirée, minute après minute. 
J’ai rencontré des dizaines de témoins et j’ai pu mettre un visage sur chacun des responsables que je pense directement et indirectement liés à cet incendie. 
Je peux aussi expliquer les causes à effet, mais en attendant, 22 gendarmes sous la responsabilité d’un procureur M. Dran  et d’une juge d’instruction Mme Bouye sont chargés du dossier. 
Dès le 20 janvier 2019 tous les services concernées se mirent au travail, à tour de rôle, et durant ces dernières semaines se sont succédés gendarmes, brigade scientifique, brigade canine pour la recherche de produit accélérant, audition de témoins, décryptage de bandes vidéo, bref je pense que tout ce qui est dans ces cas là mis en œuvre a été fait.
L’enquête devrait durer au minimum 18 mois nous a-t-il été précisé à Chambéry.
Mais que sait-on vraiment ?  Une question qui mérite une réponse en son temps car pour le moment je ne voudrais pas interférer dans l’enquête et je vais donc m’en tenir à ce que le parquet a communiqué.
Le 10 avril  les Parties Civiles sont invitées au palais de justice de Chambéry et reçues par Mme la juge d’instruction et Mr le procureur, afin d’expliquer l’avancée de l’enquête et voilà ce qui est officiel a ce jour :
L’incendie est d’origine criminel,  un suspect a été interpelé : Hichem Abdelarouf, âgé de 22 ans, originaire de La Grande Motte (Hérault),  cet algérien, en situation régulière, a un long palmarès, multirécidiviste, connu des services de police pour trafic de stupéfiants, agression, et défaut de permis a été interpelé à la frontière franco espagnole au Boulou le 10 mars par la PAF alors qu’il tentait de passer, muni de faux papier. Interpelé tout d’abord  pour exécuter une peine de 8 mois de prison à Perpignan puis ayant fait l’objet d’un mandat de recherche pour être entendu dans l’enquête de l’incendie de Courchevel, les gendarmes chargés de l’enquête auprès de Chambéry se sont rendus à Perpignan pour le placer en garde à vue le 26 mars pour « destruction par incendie ayant entrainé la mort ».
 Au terme des 48 heures de garde à vue, il fut reconduit en détention à Perpignan, transféré à Chambéry le 29 mars, pour être présenté le 30 et être mis en examen par le juge d’instruction Mme Bouye.  « C’est la jalousie qui serait à l’origine de l’acte qui aurait motivé ce criminel et il aurait mis le feu devant la porte de la chambre de son ex copine : voilà où en est actuellement l’enquête  en attendant les investigations qui continuent ».
Mais pour ma part je m’interroge !
Le principal responsable, qui a allumé le feu, certes c’est bien Hichem Abdelarouf : si sa motivation était d’ordre sentimentale pourquoi aurait il allumé deux départs de feu au deuxième étage à des endroits bien précis et distants l’un de l’autre ? 
Cette nuit là s’il a été vu par les cameras vidéo à deux reprises et à des  moments différents, entrant et sortant de la ruelle derrière l’immeuble : il connaissait très bien les horaires de son ex compagne et lorsqu’il a mis le feu il savait très bien qu’elle était sur son lieu de travail. S’il avait voulu lui faire du mal, il aurait très bien pu le faire quelques jours auparavant lorsqu’il était seul avec elle : cela a été confirmé par des témoins.
 Il y a bien d’autres incohérences dont je vous donnerai plus tard les vraies explications.
En attendant, revenons à l’immeuble, il semble donc que des individus totalement étrangers pouvaient pénétrer à l’intérieur, sans être inquiétés, une porte d’entrée munie d’un digicode qui n’a jamais fonctionné et ce semble-t-il, depuis de nombreuse années. Je ne vais pas parler aujourd’hui des normes de sécurité et de l’état d’insalubrité dans lequel celui ci se trouvait mais juste une interrogation, la municipalité était semble-t-il au courant de cet état, ayant reçu l’année dernière sur son bureau des plaintes d’anciens saisonniers qui avaient été envoyées à l’Inspection de l’Hygiène et du Travail :  pourquoi n’ont ils rien dit ?
L’incendie a eu lieu le 20 janvier et le 22 la municipalité vend le trottoir devant l’immeuble à Mr Tournier pour la moitié de sa valeur. Pourquoi ?
Pourquoi un permis de construire pour le complexe hôtelier de luxe qui viendrait remplacer tout le bloc d’immeuble dont l’Isba, déposé il y a plus de deux ans,  portant le nom « LE SAINT SAUVEUR » a, d’un seul coup, le 7 mars soit 17 jours après l’incendie, été validé ?

Il y a encore bien des questions à se poser, mais ce qui est sûr c’est que je ferai tout pour faire éclater la vérité sur ce drame et je dénoncerai tous les responsables directement ou indirectement liés à cette affaire ainsi que les causes et les effets : je le dois avant tout à ma fille, pour que justice soit rendue et que, pour une fois, elle soit équitable. Je dois aussi cette vérité à toutes les autres victimes, afin que cela ne se reproduise plus. » 
                                                                                                                      ALAIN CORCI 


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